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Mango
1 novembre 2005

Expathétique

L'Afrique, c'est merveilleux, MAIS.

Car il y a un MAIS. Un gros. Ce sont les expatriés, ou, comme on dit ici, les expats. Je vous vois venir, avec vos gros sabots, ralalalala ce Crocodoc est décidément bien snob, il va encore nous la jouer moralisateur, critiquer tout le monde et se croire au dessus du lot, gnagnagna. Ben oui. Parce que quand même, ce n'est pas très dur de se trouver au dessus de ce lot là. Je dirais même que le quart-mondiste moyen fan de tunning qui passe à Streap-tease et lave sa Fuego kitée le dimanche midi en short de bain et tongs dans la cour de son HLM est à des années lumières au dessus de ce panier de crabes désabusés. Le bienheureux.

De prime abord, on se dit que pour s'expatrier quelques années, voire une vie entière à l'étranger, il faut avoir une ouverture d'esprit hors normes, un intérêt ethnologique de baroudeur et une curiosité boulimique. C'est donc tout guilleret, abordant un sourire benoît qu'on va à la rencontre de ses pairs une fois installé à l'étranger, avide de leur poser des questions sur les sites à visiter, les coutumes locales et les moeurs des autochtones. Et c'est là qu'on se trouve face à un mur d'aigreur, de frustration et de racisme. Des réflexions blasées et affligeantes dont la vacuité n'a d'égale que celle de la boîte crânienne de leurs émetteurs. Je dirais que de manière générale les expatriés qui habitent en Afrique deviennent rapidement inaptes à la vie en société Européenne et se retrouvent coincés sur leur continent d'adoption pour une vie entière. Il faut se mettre à leur place, qui pourrait se passer de cinq domestiques payés moins de trente euro par mois, d’une propriété qui ferait pâlir d’envie la famille royale Monégasque dont le montant du loyer ne suffirait même pas à louer un garage au mois à Dunkerque ?

Les premiers temps sont fastes : du jour au lendemain avec l’équivalent du SMIC vous devenez un émir du pétrole… Monsieur joue au golf le dimanche, Madame supervise en cuisine les barbecues de cinquante invités. Mais rapidement on fait le tour des options sociales. Petit à petit l’ennui s’insinue et finit par s’installer pour de bon, avec sa cohorte de petites frustrations, de mesquineries quotidiennes. L’alcool est si facile et si peu cher, et diantre, que ces Noirs sont crétins. Et voilà qu’avant même de l’avoir vu venir vous voilà transformé en pochetron facho de base, sans avenir autre que le curry dominical du Sporting Club ad nauseam, et vous haïssez ces bons à riens de mauricauds de bamboulas (sic). Quand à Bobonne, elle sacrifierait tout ce qu’elle a pour avoir un peu de luxe à l’Européenne et invite tous ses amis pour déguster cent misérables grammes de foie gras importés à grand frais du Gers afin de briller un peu… Bien terne tableau… Sans compter la paranoïa galopante et les hautes barricades hideuses hérissées de fils barbelés derrière lesquelles on cache ses maigres richesses, et qui attirent plus qu'elles n'arrêtent les voleurs... Mais si la vie sous les Tropiques est tellement ennuyeuse et frustrante, pourquoi ne pas rentrer en France dans ce cas-là ? Parce que la plupart du temps c'est impossible financièrement, et surtout parce que ces personnes là se sentent puissantes. Contrairement à ce qu'on peut penser, les Blancs dans cette partie du monde ont tous les droits. Par rapport au Malawien moyen ils ont presque droit de vie et de mort, et font partie ici-bas de la haute société. La chute serait trop rude.

Je suis désolé, mais je trouve ça pathétique. Est-ce dû à mon enfance passée en Afrique ? Je n'arrive pas à me lasser de quoi que ce soit ici, j'ai envie de tout voir, de tout visiter, de rencontrer un maximum de monde. Je suis le seul Français à Blantyre qui va faire son marché, et... j'adore ça. Les étalages multicolores, les échos des chants des marchandes assises à écosser des petits pois dans le Marché Couvert, l'odeur de mangue et de coriandre. Pour rien au monde je n'échangerai ça contre la ruée des expats le samedi matin vers Shoprite, sorte de Carrefour Sud-Africain, où TOUS les produits sont importés et où la soudaine disponibilité d'un produit Européen sonne l'hallali. Là encore, personne ne me comprend. Mais c'est sale, et les légumes ne sont pas stérilisés. Peut-être, mais ils ont du goût. Et je suis toujours effaré quand on me dit avec un air horrifié 'oh mon Dieu, tu manges du nsima dans les gargotes locales ??? C'est immonde, c'est ce que je donne à mes chiens !!'. Le nsima est la base de l'alimentation Malawienne, c'est une espèce de polenta de farine de maïs un peu fade mais succulente en sauce et divine dans les 'gargotes locales'... Pour peu qu'on en ait déjà mangé une fois avant d'émettre des avis puants de préjugés. Ca me donne envie de saisir à bras le corps ces grands blasés de la vie et de leur administrer une bonne sismothérapie postérieure, de les secouer comme des goyaviers, en espérant que ça enlèvera un peu de la merde qu'ils ont dans les yeux...

Quel plaisir d'avoir alors des amis à qui faire découvrir ces plaisirs et ces traditions, d'accueillir des visiteurs qui savent apprécier les cultures étrangères et qui ne dénigrent pas TOUT systématiquement. Des proches qui, comme vous, s'émerveillent d'un rien et ont les larmes aux yeux devant une maman éléphant baignant son petit, ou devant un coucher de soleil époustouflant, et qui savent savourer du poisson grillé pour vous par un pêcheur, assis en tailleur dans le sable au bord du lac, avec les doigts plein de sauce et un sourire en tranche de pastèque. Merci à Cendrine, Gilbert et Carole pour ces moments magiques durant ces trois dernières semaines... Ca fait un bien fou.

petit_d_j_sur_la_plage pa150110 cendre_nyala_050 poisson_grill__sur_la_plage 

[ Avis aux suivants, c'est quand vous voulez ! ]

Les autres ne savant pas ce qu'ils ratent, tant pis pour eux... Qu'ils restent enfermés dans leurs sinistres forteresses de préjugés, on est tellement mieux dehors sans eux !

Ne vaut-il finalement pas mieux la candide fraîcheur (confinant à la débilité légère) des étudiants en médecine Américains qui débarquent ici à chaque saison de transmission du paludisme, et dont les questions posées avec de grands yeux émerveillés entraînent chez vous des fous rires débordants ? Il faut dire (à leur décharge) que ceux-ci ne sont pour la grande majorité JAMAIS sortis de leur ville, voire de leur état, et donc n'ont qu'une notion très approximative de géographie... C’est donc ainsi qu’au détour d'une réunion dans la salle du staff des urgences pédiatriques, un bébé docteur boutonneux et aux dents longues a soudain avisé la carte d'Afrique au mur et s'est exclamé : "Oh mon Dieu, mais le Malawi, c'est là ??? On est si près de l'Egypte !!", clouant tout le monde sur place avec un air atterré. Je vous invite à regarder votre Atlas et à ricaner. De la même manière, une de ses congénères gloussante (on la surnommait Amy le Dindon, et j’ai baptisé une de mes poules en son honneur) m'a un jour demandé d'un ton mystérieux ce que faisaient tous ces Noirs debouts face aux murs ou aux arbres dans la rue, méditaient-ils ? Faisaient-ils des offrandes propitiatoires (hem, c'est une adaptation libre de ce qu'elle m'a demandé, je doute que le mot propitiatoire ait franchi ses lèvres) à leurs ancêtres ? Voyant que je ne comprenais rien à son charabia, elle m'en montrait un sur le chemin du travail le lendemain...

Cet homme là ne faisait aucune prière d'aucune sorte. Il urinait abondamment contre un frangipanier en fredonnant d’aise.

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Commentaires
M
Je ne suis pas une specialiste des expat, mais j'en ai cotoyé pendant 6 mois au yemen, et je vis avec un (un "vrai", si tu vois, un de ceux qui préfére boire des coups avec l'habitant plutot que de se faire servir par un boy).<br /> Ben c'est exactement ça.<br /> Mettez des cons à l'étranger, offrez leur l'argent facile, le pouvoir, ils deviendront des cons puissants.<br /> Me souviens d'une nana américaine qui chouinait dans la piscine 50 étoiles du sheraton à sanaa, "mais oùùùùùù trouver des pampeeeers ??? Ils n'ont que des * marque inconnue*...Ce qu'ils sont cons ces arabes..."<br /> mais il en existe aussi des biens des expats...C'est juste rare
C
hihihi c'est assez rigolo de lire tout cela maintenant que je sais comment ca se passe reellement et qui dit quoi!<br /> <br /> Je tiens a preciciser aussi que les francais expat sont aussi des enfoires entre eux: note le cours de la sardine a quintuplé la semaine derniere!<br /> <br /> Je tiens aussi a dire que ce fut un reve de manger les crepes au mangues cuisinée par un illustre auteur, de visiter Chember avec un guide aussi charmant que Ian, de decouvrir la vie malawienne avec Ediga (edgar en vrai mais prononcé a la malawienne)...meme de manger dans l'hotel de zomba ou ils n'ont jamais du voir un azungu dormir!<br /> <br /> Merci pour tout Croco et ma mere se joint a moi pour tout cela!
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