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Mango
21 mars 2006

Housemates

Et voilà. Le temps béni de la colocation familiale et bon enfant est en pleine débandade, l'ambiance pourrit à la vitesse de l'éclair à Mpingwe, et je ne peux presque plus supporter le couple de Norvégiens qui nous a rejoint dans notre palais il y a maintenant 6 mois. Du statut de personnes responsables et agréables, adultes et autonomes, ils sont passés progressivement mais définitivement à celui de parasites suceurs de moelle, qui, quand vous leurs donnez le petit doigt, vous avalent tout cru. Mes courses disparaissent et ne sont jamais remplacées, mes affaires sont fouillées, je suis obligé de cavaler après mes DVDs pour les regarder et les retrouve rayés, enfin je ne compte plus les petites mesquineries écoeurantes qui se succèdent et hélas, se ressemblent. La coupe est pleine, et j'en viens à  regretter mes toutes premières colocataires, Magali, Suzette et Violaine.

[flashback]

Samedi 15 janvier 2005 - Blantyre.
Il faut savoir qu'outre sa capacité absorbante qui n'a rien à envier à la sphaigne, ma collègue et amie Jacqui qu'on ne présent plus, est d'une gentillesse déroutante entre ses accès de rogne dirigée contre l'Humanité toute entière. C'est ainsi qu'en arrivant démuni et sans le sou à Blantyre elle m'a proposé d'emménager chez elle et d'utiliser sa voiture pendant qu'elle bossait sur une partie de son projet en Australie. Après 48 heures de voyage et deux bagages perdus, une virée chez un collègue pour récupérer les clefs avec un chauffeur du Centre, je me retrouve enfin seul, face à la porte de ce qui sera ma future maison pour les 5 prochains mois. Tout autour de moi, dans l'épaisse obscurité de la nuit Africaine, les grillons, les criquets et les grenouillent grenouilles chantent à tue-tête alors que j'essaie tant bien que mal de trouver la bonne clef. La maison est plongée dans le noir, et c'est une très forte odeur de moisi qui m'accueille. Alors que je tâtonne pour trouver le disjoncteur principal j'entends très distinctement un bruit de pas léger, tip-tip-tip contre mon pied. Je fais un bond, le bruit s'arrête. Bizarre. Bon il semblerait qu'il y ait tout simplement une coupure de courant. Je fafouille, trouve et allume une bougie, et me dirige vers la salle de bains pour prendre une douche, parce que je commence un peu à sentir le renard cuit. Là encore, dans le couloir, tip-tip-tip-tip, ça cavale à mon passage. Impossible de voir quoi que ce soit avec la bougie, le sol est en parquet très sombre. Assis sur le rebord de la baignoire devant les robinets muets (et oui, il y a aussi une coupure d'eau), une grande fatigue me frappe. Soudain, tip-tip-tip, quelque chose bouge encore contre la porte de la salle de bain, je l'entends très distinctement. Alors que je me lève et m'approche, bien décidé à élucider ce mystère, l'électricité revient subitement. Le réfrigérateur se remet à ronronner, les ampoules du couloir et de la salle de bain s'allument simultanément (j'avais joué avec les interrupteurs par réflexe), et en baissant les yeux, à 10 cm de mon pied nu je découvre ça.

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Ca, c'est Magali. A titre informatif, les gros carrés du plancher font 20cm sur 20cm. Je fais un bond en arrière en couinant comme une pucelle effarouchée et claque la porte, tout tremblant. Pour découvrir deux secondes plus tard Violaine, planquée derrière un panier. C'est elle qui cavalait après moi dans le couloir pour me souhaiter la bienvenue.

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J'ai failli leur marcher dessus. Pieds nus. Rien que d'y penser mes poils se hérissent et un long filet de sueur glacée me dégringole l'échine. J'ai besoin d'un verre. Sur la porte du frigo, une petite note à mon égard est affichée à l'aide de magnets et est intitulée OTHER HOUSEMATES YOU MAY HAVE NOTICED. Il y est inscrit que ce sont des baboon spiders, qu'il y en a cinq (CINQ ????), réparties dans des territoires bien spécifiques. Une dans le couloir, une dans la salle de bains (les présentations ont été faites), une dans la cuisine (hmmmm, je commence à regarder frénétiquement autour de moi, la goutte au front), une sur la terrasse et enfin la plus grosse dans la chambre de Jacqui. Cette dernière conclut sa petite notice explicative  par un 'si tu ne les embêtes pas, elle ne t'embêteront pas... Mais si tu les embêtes, leur morsure est extrêmement douloureuse !'. Génial.

Elle n'a pas menti. Après quelques jours de sueurs froides à chaque fois que je croise Magali ou Violaine (notamment une fois mémorable où, alors que je me brossais les dents, j'ai découvert avec horreur que Magali me passait sur le pied et que j'ai failli en avaler ma brosse à dents), les mygales se tiennent très bien, ne dépassent pas les limites de leurs territoires, et, pour tout dire, sont quasiment invisible la plupart du temps. Après quelques semaines je n'y fais même plus attention et me mets à leur causer le matin dans la salle de bain. Comme quoi, l'habitude c'est comme la mauvaise herbe, ça s'installe n'importe où. Je les aime bien en fait, elles sont un peu timides et pas envahissantes pour un sou, notre colocation est parfaitement harmonieuse. Jusqu'au jour noir où je fais simultanément connaissance avec Suzette, et que celle-ci rompt notre pacte de non-agression en m'attaquant ouvertement. Alors que je m'apprête à faire du thé pour le garde en une chaude soirée de mars, mon attention est attirée par une araignée énorme et que je ne connais pas, c'est Suzette. Elle se tient par terre, non loin de moi, tapie contre un coin de la cuisinière. Bien élevé, je la salue (et la baptise), avant de vaquer à mes occupations. Peut-être n'apprécie-t-elle pas du tout son nouveau prénom, ou est-elle extrêmement courroucée de me voire débouler dans son espace vital, quoi qu'il en soit elle fond soudain sur moi sans prévenir, avec les pattes antérieures relevées en signe d'attaque, montrant de manière très nettes des intentions des plus douteuses. Mais Suzette fait là une grossière erreur tactique. Un vieux proverbe Sioux dit qu'il ne faut jamais attaquer son ennemi quand celui-ci tient une bouilloire remplie d'eau frémissante, spécialement quand ledit ennemi fait 1,75m de plus que vous. Suzette, dite la Hargne, passe de vie à trépas dans une magnifique fumerolle funèbre de vapeur, qui célèbre le retour au calme sur Kabula Hill.

J'ai pris ma décision ce matin. Je déménage en juillet, je retourne vivre avec mes amies gales (pardon, pardon, pardon). Elles se foutent de mes DVDs, ne mangent pas mes yaourts et mes légumes du marché, et n'ont que faire de mon vin importé de France. Je me réjouis, et ce n'est rien de le dire.

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Commentaires
C
Euuuh, DVD? QUELS DVD??<br /> T'inquiète, je les ai planqués !
K
alors la je dit: VIVE les mygales...<br /> mais une petite question me taraude: comment vont MES DVD????
C
pour ces pauvres migales j'espere! lol
C
Cendre -> ça va, ça va, je me suis emballé sur le mot grenouille en faisant un amalgame entre grnouilles et grouillent. C'est un nouveau concept.<br /> <br /> Sacroute -> je t'avouerais que j'ai hésité à les baptiser Britney, Christina et Shakira mais ça aurait été cruel.<br /> <br /> Pixie -> Charmant. Entre nous je préfère mes petites mygales... Sauf quand tu marches dessus. ;-)
P
Ouh. Moi qui me plaignais des cafards australiens qui pululent dans ma salle de bain ... [ce n'est pas une question d'hygiene. Ils sont partout dans les rues]. Atroce :)
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