Australie, chapitre premier.
Voilà, les valises sont défaites, le jet-lag est évacué, le boulot repris, la parenthèse magique de ces deux derniers mois se referme doucement.
Sydney a été un choc, une grande claque de béton, d'acier et de néons sous un ciel bas et menaçant. Sorti de ma brousse, il y avait de quoi être décontenancé. J'ai détesté.
Puis j'ai adoré.
Mon premier contact avec l'autochtone reste mémorable. Complètement groggy après 22 heures d'avion dont la climatisation permet de vous habituer aux conditions arctiques pour la prochaine période glaciaire, je suis le premier à récupérer mon sac sur le carrousel et à me diriger vers la douane, le coeur battant. Je suis à Sydney !! Grossière erreur. Le douanier australien ne mange pas de ce pain là, pas question d'être primesautier ou enjoué. Les douanes australiennes, c'est sérieux. D'énormes panneaux blancs sur fond rouge placardés dans tout le terminal vous le rappellent et vous mettent en garde contre les millions de produits interdits à l'importation. Il aurait été plus simple de lister ceux autorisés, si vous voulez mon humble avis, mais vous ne le voulez probablement pas. L'arrivée d'un touriste au sourire niais (pas du tout, un peu hébété par la fatigue, tout au plus) ne transportant qu'un tout petit sac boudin de 8 kilos est considérée hautement suspecte. Que ledit terroriste touriste affirme par dessus le marché n'avoir rien à déclarer, pas même une petite allumette en bois exotique susceptible de faire des boutures, de coloniser puis de détruire les écosystèmes nationaux le classe immédiatement dans la catégorie 'ennemi d'état'. Commence alors un petit jeu très amusant. Le douanier appelle des collègues en renfort car plus on est de fous plus on rit, et ceux-ci vous bombardent de questions tout en déballant, dépliant, étalant TOUTES vos affaires. Pas une poche n'est omise, pas un petit reçu bancaire froissé et illisible n'est soigneusement extirpé de votre portefeuille et scrupuleusement étudié. Petit florilège.
- did you pack your bag yourself, Sir?
- of course not, I let a complete bastard from Middle-Est do it for me, you plonker! yes, I did.
fouillefouillefouille. stoppe. air choqué.
- what's this, Sir? You have another passport in your bag, is it a forged one?
- of course it is, how could I trade ballistic missiles otherwise? absolutely not. I have a dual nationality, hence this second passport. Please, feel free to check.
- we will, Sir.
fouillefouillefouille, étale tout le contenu de mon portefeuille sur la table en inox. lève un sourcil suspicieux.
- what is the debit limit of this credit card, Sir?
- I have no idea, actually.
- and this one? How come you have an English, a French, a Swiss and a Malawian credit card?
- eeeerm, I don't know for the limit and eeeerm, it's because I am French national resident in Malawi, and working for a university in UK, and erm, I...
- are you married, Sir? Do you own a flat or a house in Sydney? Do you intent to purchase any kind of drugs in Australia? It is written Dr on your flight ticket, are you really a doctor? Have you ever been to Israel? What is the surname of the Queen Elizabeth? Why are you flying to Melbourne in 2 weeks? Do you like toffee-flavoured ice cream? Are you allergic to cats?
- ???????????????????????
Comment ne pas avoir l'air coupable ? Comment répondre intelligemment et de manière détendue à un flot de questions toutes plus débiles les unes que les autres, sans queues ni têtes, pendant qu'on vide scrupuleusement toutes vos affaires devant vous, et accessoirement devant tous les passagers derrière vous qui attendent leur tour et vous regardent comme si vous aviez commandité les attentats du 11 septembre ? Je me serais trouvé suspect moi-même. Mais une fois le sac vidé, et le terrible constat de l'absence de produits à déclarer établi, les douaniers se sont désintéressés de mon cas pour s'en prendre à une dame âgée, qui transportait probablement des kilos d'ecstasy dans une fausse poche urinaire. J'ai appris par la suite que l'émission télévisée la plus populaire en Australie se nomme 'Borders', et suit en live les douaniers dans leur fouilles jusqu'à ce qu'ils dénichent un petit gars terrorisé qui ne savait pas que les pois chiches en boîte étaient interdits à l'importation.
Mon passeport dûment tamponné, je retrouve ma bonne humeur dans un petit café en attendant ma voiture : je commande un cappuccino et on me sert un 'Kangaruccino' (véridique) avec un petit clin d'oeil. Cheers, mate. Cet accent. Il pleut. Il fait gris et froid. Je suis aux anges... Ca y est, je suis en Australie.
(...)