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Mango
16 octobre 2006

INFERNO!

Intérieur, nuit. Une buanderie familiale. Plan large, montrant une superbe machine à laver entre une planche à repasser et un tancarville. Une lumière de pleine lune filtre par le soupirail et éclaire la pièce d'un bleu lugubre. Un zoom avant nous rapproche lentement du hublot, par lequel on peut voir le linge tourner. Le son régulier du cycle s'amplifie au fur et à mesure, jusqu'à devenir insoutenable.

[voix off - masculine, grave]
"Au début, tout se passait pour le mieux. Elle était magnifique, blanche et émaillée, avec son gros oeil rond central, son air débonnaire. Elle ronronnait de plaisir quand on l'allumait, et prenait sa tâche très au sérieux. Aucune de mes chemises n'était ressortie aussi éclatante de blancheur qu'après son cycle intensif. Mais derrière ses aspects angéliques et efficaces, un machiavélique complot s'ourdissait dans les méandres de ses circuits malades et de son moteur maléfique."

Noir. Musique stridente, le titre s'affiche:

titre_DOROTHY_

**********

Tout a commencé par une tiède fin de journée de printemps, lorsque Julie est venue nous la livrer, avant son départ définitif du pays. Une machine à laver rutilante, achetée dans le but de soulager notre femme de ménage, de la rendre heureuse, ergo, de répandre le Bien. Mais qui aurait pu se douter qu'une telle blancheur immaculée pouvait dissimuler autant de perfidie ? On aurait dû se méfier dès la première semaine... Quand le programme court couleur à 30°C s'est subitement auto déréglé à 90°C, et qu'on s'est retrouvés avec une collection de vêtements pour Barbie et Ken. Mais non, quand on ne veut rien voir, on ne voit rien. Après tout il s'agissait de vieux T-shirts, pas de chemises Armani. Je me suis dit 'ça peut arriver ' et j'ai relancé une seconde lessive. Mais quand la seconde fournée est ressortie en lambeaux, on a été perplexes. On a ri (un peu jaune parce que là ma chemise blanche j'y tenais, hein, OK c'était H&M mais bon), et on a décidé de la baptiser Dorothy, en pensant que c'était probablement la cousine de Christine... Mais ni Stephen King, ni Dean Koontz n'auraient eu l'audace d'imaginer que cette machine à laver était en réalité l'Instrument de Lucifer.

Humiliée par un prénom aussi grotesque, La Machine Démoniaque décidait immédiatement et irrémédiablement de se venger en nous éliminant sournoisement par intoxication. Son plan entra en action lors de la troisième lessive, durant lequel elle produisit un épais nuage de fumée noire méphitique et lacrymogène, un truc infect à vous sécher un buffle à 200 mètres. N'écoutant que mon courage et frôlant ainsi une mort héroïque par asphyxie, je réussis à débrancher la prise du Monstre à temps, entre deux gerbes d'étincelles et avec force râles et moult larmoiements. Il nous fallut deux jours pour éliminer l'odeur âcre et les traces de suie sur le mur de la buanderie. Nous prîmes donc des mesures drastiques, et convoquâmes sur le champ un électricien slash exorciste. Devant l'ampleur de la tâche, celui-ci décréta qu'il lui faudrait au moins une semaine pour nous réparer slash purifier notre Dorothy, moyennant une somme équivalente à la dette du Libéria.

Cinq jours plus tard, notre machine à laver reprenait sa place entre la planche à repasser et le tancarville, avec un moteur et une courroie slash âme neuve. Mais le Démon n'avait pas dit son dernier mot, et derrière ses airs meutris de Jack Nicholson après une séance poussée de SportElec' dans vol au dessus d'un nid de coucou, son âme damnée n'aspirait qu'à la trahison et au meurtre. Cette nuit là, elle prit feu spontanément, pensant nous entraîner avec elle dans les abysses infernales par son immolation désespérée. N'importe qui eût été endormi à cette heure tardive et eût été subséquemment rôti séance tenante, mais c'était sans compter sur ses deux alcooliques de propriétaires en train de concourir pour la confection de la Margarita Parfaite sur leur terrasse. La petite olive à martini dans l'engrenage fatidique... Vers minuit, heure favorite des criminels, je me dirigeais vers la cuisine pour pallier à une pénurie de jus de citron, quand les flammes d'Hadès me léchèrent le visage et me firent roussir les sourcils... Il nous fallut quelques bons hectolitres (Dieu merci il n'y a pas eu de coupure d'eau ce soir là) pour éteindre le brasier, sachant que notre haleine n'agissait pas en notre faveur. La bataille entre le Bien et le Mal fit rage pendant vingt minutes.

La buanderie a été repeinte dimanche et seule une petite odeur de soufre flotte toujours dans l'air.

Dorothy a trouvé la paix. Elle trône dans le fond du jardin et sert de pondoir à nos trois poules rousses.

L'Esprit du Mal a déserté notre colline, et j'ai été sacré the Lord of the Margarita.

THE END

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Commentaires
C
Ménille > C'est clair. On espère juste que les pondeuses ne se transforment pas en zombie maintenant... <br /> <br /> Cendre > Hmmm. Un peu trop futé et perfide pour venir des Norvégiens, si tu veux mon avis ! ;-)<br /> <br /> Sacroute > Ouais, sale pute, je suis bien d'accord. Dommage que le style grunge ne soit plus d'actualité, j'aurais pu recycler ma chemise... Et merci !
S
Sale pute.<br /> Oh oui je sais c'est vulgaire, mais merde quoi, une chemise blanche H&M, ça vaut bien cette appellation.<br /> <br /> Et tu peux te reconvertir dans le fantastique ; Ring ou dark water à côté, un vrai moment disney.
C
tu es certain que ce ne sont pas les norvegiens qui se sont arrangés pour te faire livrer Dorothy?
M
Je visualise le truc en même temps, c'est de l'ordre du Projet Blair Witch, pas moins.
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