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Mango
8 juin 2005

French classe

" - Stop!, STOP! "

Un grand douanier d'une vingtaine d'années nous fais signe de nous arrêter. Et il n'a pas l'air commode... Merde. Il est 9h, On a passé la douane Mozambicaine il y a maintenant bien deux heures et on arrive à peine à Tete. Et là, pan!, barrage routier. Il y a un monde fou autour, ça sent le plumage de pigeon à plein nez. J'arrête la voiture sur le bas-côté et prends mon sourire le plus obséquieux. Le jeune homme arbore de grands airs supérieurs, fais semblant d'inspecter la voiture (de l'extérieur, alors qu'elle est pleine comme un oeuf) et me demande mon titre d'importation provisoire du véhicule. Ouf, ce n'est que ça. Il lui suffit d'un regard au dit papier pour que son oeil s'éclaire d'une mauvaise lueur. Décidément, il vient de ferrer un poisson bien gras ! Mais bon, il ne faut pas trop le montrer, donc il se recompose une face très sérieuse, m'agite le papelard sous le nez, visiblement pas content du tout et me demande sèchement de le suivre à l'intérieur de la baraque. Pas bon, ça. On entre dans une petite pièce crasseuse, et il s'installe derrière le bureau après des gesticulations ridicules pour bien me faire comprendre que je suis un hors-la-loi, que ce titre est inacceptable et que je finirai probablement mes jours à croupir dans une prison d'état. Puis il me montre le document et me déclare que le tampon de la douane n'est pas valable. Première nouvelle. Il m'annonce que c'est tragique (sic), mais qu'il va falloir retourner à la frontière pour demander un autre tampon. L'enfoiré. Il sait qu'on va à Maputo, qu'on a encore 2000 bornes à faire et pas le temps de faire un détour de 400 kilomètres.
Il veut de l'argent, c'est évident.
Sauf que, je ne suis pas prêt à le lui donner tant qu'il ne me le demande pas clairement. Ce genre de jeu est trop dangereux au Mozambique, s'il m'arrête pour tentative de corruption, il aura une prime. Donc va falloir jouer fin... Ceci dit, s'il veut jouer au con, il va être servi. Je me tords les mains comme une madone devant la Croix, visiblement en proie à une affliction profonde, en gémissant des "oh non, oh nooooooooooon !", avant de lui demander si par hasard, éventuellement, par chance, en dernier recours il n'y aurait pas moyen d'avoir ce fameux tampon ici même. Le douanier, reculé à fond dans son fauteuil joue avec son stylo et boit du petit lait. Si, si, bien sûr, dit-il, en en sortant un de son tiroir. Il me le passe sous le nez, puis le jette dans un autre tiroir qu'il ferme violemment. Puis il me fait signe de sortir en disant "Go to your car, and organise!". Bon, je ne suis pas très avancé. Je prends donc mon sourire le plus nigaud option Mireille Mathieu chez Pascal Sevrant, un accent français catastrophique mâtiné de Marseillais (avec ce que ces ploucs m'ont fait endurer pendant 4 ans, je ne vais pas me gêner pour les faire passer pour des demeurés) et me lance.

" - Oh, beutte iou no, aïe ameu Frencheu, andeu aïe donteu anderstandeu very ouelle ouate is organaïseu..."

Il me regarde comme si j'étais déguisé en Mariachi, puis soupire. Mon sourire de neuneu consanguin de fond de vallée fait des ravages, et il m'explique donc patiemment en articulant comme s'il parlait à un enfant de quatre ans souffrant d'un syndrome d'Asperger, qu'il faut lui donner de quoiii avoiiir un boooon déééé-jeuuu-neeer, le tout en se frottant le ventre pour que je saisisse bien de quoi il parle. Je fais mine de réfléchir de manière intense, on voit presque l'inscription "loading, please wait - loading, please wait" dans mes iris. Ding! - OK, anderstoudeu. Je sors du baraquement, ouvre la voiture et y saisis une bouteille de Sprite et un sandwich. La tronche du douanier quand je reviens avec mes provisions tel le ravi de la crèche avec son mouton est tellement drôle que je manque de m'étouffer de rire. Il est sincèrement affligé, et me regarde avec pitié... puis il soupire et glapit :

" - MO-NEY !! I WANT MO-NEYYY !!"

Et ben voilà, mon gros, on y est ! Je souris béatement et lui file dix dollars. C'est beaucoup trop, j'en suis conscient, mais au moins il devrait s'en contenter. Et effectivement, tout heureux de se débarrasser de moi, le douanier soupire et s'empresse de signer, tamponner et parapher à tout va. Je le remercie chaleureusement (en l'inondant mentalement d'injures), et on repart. Ah mais ! Première fois que je soudoie un douanier, ça fait tout drôle !

J'aurais dû y voir le signe d'une mauvaise fortune... En plus cet enfoiré a gardé mon sandwich !!

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